Chaire Suzanne Tassier-Charlier
Histoire de la Chaire
Suzanne Tassier (1898-1956)[1], première femme à enseigner l’histoire à l’Université libre de Bruxelles va y développer des critiques explicitement féministes. Née en 1898, docteure en histoire en 1923, enseignante dans le secondaire, elle poursuit des recherches qui aboutissent au dépôt d’une thèse d’agrégation en 1934. Elle dispose ainsi d’un cours qu’elle va consacrer à l’esprit public sous l’occupation française. En 1938, elle se rend aux Etats-Unis et revient conquise par le féminisme américain dans lequel elle voit désormais « la solution la plus libérale du problème féminin ». Après la seconde guerre elle donnera encore deux cours novateurs : Histoire de la civilisation et Histoire de la presse et sera nommée professeur ordinaire en 1948. Nommée tardivement, et longtemps distanciée par ses collègues masculins, elle ne cache pas son amertume, critiquant ce système « où les quelques femmes qui ont le courage de se vouer à la science pure peuvent fort bien, après vingt ans d’un effort difficile, se voir préférer un candidat de moindre production scientifique mais ayant la bonne fortune d’appartenir au sexe privilégié de droit divin » (L’Américaine ne connaît pas son bonheur, 1939)
Elle n’oubliera pas ses positions féministes lors de la rédaction de ses dispositions testamentaires et elle lègue une partie de sa fortune à l’université pour créer tous les deux ans un enseignement sur les femmes. C’est ainsi que la Chaire Suzanne Tassier voit le jour en 1963. Signe des temps, durant les première années de la Chaire, la législation sur le travail des femmes retiendra l’attention notamment avec la sociologue Evelyne Sullerot ou la juriste Eliane Vogel-Polsky
La Chaire Tassier s’attache à étudier et à déconstruire les grands débats de société dans lesquels l’ULB s’engage activement. En effet, l’accès libre à la contraception et le droit à l’avortement marquent l’histoire den notre institution tout comme celle des mouvements féministes. Ce n’est donc pas par hasard la Chaire Tassier reçoit en 1968-69 la docteure Andrée Weill-Hallé, chef de département à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris, qui se penchera « l’aspect actuel du Planning Familial »… elle qui fonda avec Evelyne Sullerot la Maternité Heureuse.
En 1989, les études féministes à l’ULB s’organisent autour du GIEF dont Eliane Gubin et Bérangère Marquès-Pereira en furent les initiatrices et les fers de lance. La Chaire Tassier, tombée en léthargie dans les années 80 renaît alors de ses cendres avec la présence des historiennes Michelle Perrot suivie par Eleni Varikas et Andrée Levesque ou encore la philosophe Françoise Collin ou Diane Lamoureux.
La Chaire connaît un renouveau à partir de l’année 2013-2014. La Chaire Suzanne Tassier-Charlier est désormais gérée conjointement par les Facultés de Droit et criminologie, Lettres, traduction et communication, Philosophie et sciences sociales, Psychologie et sciences de l’éducation. Elle est désormais organisée toutes les années, à tour de rôle par chacune de ces facultés.
Précédentes chaires (1963-2024)
- 1963 : Suzanne Serin, ancienne chargée de cours de clinique à la Faculté de médecine de Paris, Le travail professionnel des femmes
- 1964-65 : Michel Alliot, professeur à la Faculté de droit de Paris et à l’Université de Dakar
- 1966-67 : Evelyne Sullerot, professeure à l’Institut français de Presse de l’Université de Paris, Histoire et sociologie du travail féminin
- 1968-69 : Andrée Lagroua Weill-Hallé, chef de département à l’hôpital de La Pitié-Salpétrière à Paris, L’aspect actuel du Planning familial
- 1970-71 : Simone David-Constant, professeure ordinaire à la Faculté de droit de Liège, L’évolution de la condition juridique des femmes. L’histoire d’une décolonisation
- 1973-74 (janvier 1974) : Six Experts européens dont Eliane Vogel-Polsky (Bel), Mme Lulling (Luxembourg), Nora Federici (Italie), Mme H. Pross (All.), Mme Degeller (Pays-Bas) et Evelyne Sullerot (France), Le travail féminin dans les six pays de la Communauté européenne (en présence de la reine Fabiola)
- 1989 : Michelle Perrot, professeure d’histoire à Paris VII, Histoire des femmes
- 1991-92 : Eleni Varikas historienne, Paris VIII, Construction de différences et rapports sociaux de sexe en Europe contemporaine
- 1994-95 : Françoise Collin (Collège international de philosophie, Paris), L’Homme, le Citoyen et les femmes, Andrée Lévesque (Université Mc Gill, Montréal)
- 2004 : Diane Lamoureux (Université Laval, Québec), La citoyenneté des femmes
- 2013-14 : Maleïha Malik (King’s College London), Gender and Human Rights
- 2015-16 : Joan Scott (professeure émérite à l’Institute for Advanced Studies Princeton), Becoming a feminist theorist
- 2017-18 : Peter Hegarty, Professeur à l' University of Surrey
- 2019 : Geneviève Fraisse, Philosophe, Historienne de la pensée féministe, Directrice de recherche émérite au CNRS
- 2022-23 : Eric Fassin, Sociologue, Professeur de sociologie au département d’Études de genre et au département de Science politique, Université Paris 8, Actualité sexuelle
- 2024 : Pascal Gygax, Psycholinguiste expérimental et psychologue cognitif, Université de Fribourg et Sandrine Zufferey, Professeure ordinaire et Directrice administrative de l'Institut de langue et de littérature françaises, Université de Bern, Ecriture inclusive
[1] Sur Suzanne Tassier voir la notice nécrologique de Maurice- A. Arnould dans la Revue belge de Philologie et d’Histoire, 1956, 34, p. 964-967