Séminaire "Le politique, l’intime et le silence : enjeux éthiques et méthodologiques"
Le 14/02/2024
par Dorothée Delacroix, IHEAL-Paris Sorbonne, Professeure invitée MSH
Séminaire réalisé en partenariat avec le CEVIPOL et le LAMC
Cette présentation propose une analyse réflexive à l’égard de mon travail sur les vécus intimes des violences armées et les effets ambivalents des exhumations. Au terme de plus de dix ans d’enquêtes au Pérou et près de dix ans en Espagne, se dégage l’importance de considérer les différentes figures du silence, leurs logiques propres et les conditions d’émergence des paroles. Qu’il s’agisse de recueillir des témoignages, de partager le quotidien de personnes affectées par une violence multiforme, voire celui des auteurs de faits de violences, ou d’accompagner les recherches de disparus, une attention éthique et méthodologique est nécessaire pour comprendre ce qui est dit, à quel moment, dans quel espace social et quelle situation d’interaction ; mais aussi pour définir les modalités de la restitution écrite des matériaux ethnographiques recueillis.
J’analyserai, d’une part, l’épreuve des mots et les frontières de l’intime dans des contextes paradoxalement médiatisés, notamment lorsqu’il s’agit des productions mémorielles et des exhumations relatives à la Guerre d’Espagne ou au conflit armé interne péruvien. D’autre part, j’exposerai en quoi les aspects politiquement conflictuels inhérents aux terrains d’étude constituent des défis supplémentaires au travail d’enquête et d’écriture. Enfin, j'alimenterai cette démarche réflexive de celle entreprise par d’autres collègues afin d'interroger les non-dits du chercheur, ses choix de positionnements et l’« éthique politique du souvenir » (Feldman 2004) comme horizon défendu.
Dorothée Delacroix est maîtresse de conférences en anthropologie à l’IHEAL-Sorbonne Nouvelle. Elle a travaillé sur les mémoires du conflit armé interne au Pérou et la mobilisation des victimes dans les Andes rurales, notamment autour des monuments aux morts. Ses recherches ont porté, d’une part, sur la construction sociale des figures de victime innocente et de terroriste et, d’autre part, sur les relations intimes tissées avec les défunts assassinés pendant la guerre, en particulier ceux qui font l’objet de récits d’âmes en errance. Elle s’intéresse aujourd’hui aux politiques de réparations, notamment liées aux exhumations au Pérou et en Espagne, ainsi qu'à l'expérience ordinaire de la violence.
Mercredi 14 février 2024 de 10h00 à 11h30
Salle de réception
Bâtiment DE1 - Niveau 3 - Salle R.3.105
Avenue Antoine Depage 1
1000 Bruxelles
Entrée libre
Contact : Frédéric Louault