Midis du CREG "Une anthropologie de la perte à travers les cartes mentales des déplacés arméniens de Hadrout (Haut-Karabakh)"
Le 27/11/2023
par Anita Khachaturova, CREG & CEVIPOL
Les Midis du CREG reviennent pour l'année académique 2023-2024 ! Tous les mois, un.e chercheur.euse ou un.e professeur.e invité.e viendra présenter ses recherches le temps d'un midi et ce, dans l'optique de pouvoir en discuter dans un cadre stimulant et convivial.
En septembre-novembre 2020, la guerre du Haut-Karabakh a fait 40 000 déplacés arméniens, dont 10 000 de la région de Hadrout dans le Sud de la République de facto du Haut-Karabakh. Certains d'entre eux se sont installés en Arménie voisine, les autres dans d'autres régions du Haut-Karabakh encore sous contrôle arménien. Partie dans la précipitation à l'approche des troupes azerbaïdjanaises, la population civile de cette région n'a presque rien emporté. Après le cessez-le feu du 10 novembre 2020, l'espoir d'un retour s'est rapidement éteint alors que l'Azerbaïdjan entreprenait un vaste programme d'altération spatiale de la région (projets infrastructurels d'envergure accompagnés d'une destruction du patrimoine arménien (cimetières, ponts, églises) et l'érection de monuments à la gloire de la victoire, tels que la sculpture du "point de fer" d'Ilham Aliyev, le président de l'Azerbaïdjan, sur la place centrale de Hadrout). Pour les Arméniens de cette région, dont la présence y fut séculaire, et dont témoigne l'existence d'une conscience collective d'une identité distincte, exprimée notamment par une langue et une mémoire spécifiques, la perte de Hadrout n'est pas uniquement vécue comme un ensemble de dépossessions individuelles mais comme un perte historique, redéfinissant la façon même de se concevoir en tant que groupe. A travers l'usage de la méthode des cartes mentales, j'explore la façon dont une identité collective locale se transforme à l'épreuve de la perte de sa patrie, et réfléchis sur les possibilités qu'offre cette méthode à la fois pour préserver une mémoire intime de l'espace (à l'inverse d'une cartographie étatique) et pour conduire une recherche ethnographique plus sensible à l'expérience traumatique de la guerre traversée par les enquêtés.
Doctorante diplômée en Relations Internationales (MA, 2016) et en droit international (Llm, 2017). Anita Khachaturova mène une recherche sur le conflit du Haut-Karabakh et les relations arméno-azerbaïdjanaises. Dans ce cadre, elle s'intéresse à la question des émotions et affects et leur rôle dans un contexte de conflit prolongé, aussi bien en tant que dimensions structurelles et normatives que dans leur capacité d'agentivité et de transformation sociale. Elle conduit ainsi des terrains prolongés avec une méthode centrée sur les cartes mentales (cognitives) et des entretiens biographiques. Ses intérêts de recherche incluent la politique du Caucase du Sud, les conflits post-soviétiques, les théories des émotions et des affects, les relations internationales et le droit international, ainsi que la micro-sociologie.
Lundi 27 novembre de 12h à 14h
Salle de réception
Campus du Solbosch
Bâtiment DE1 - Niveau 3 - Salle R.3.105
Avenue Antoine Depage 1
1000 Bruxelles
Inscription via l'adresse mail : creg@ulb.be