Colloque : Collaborations entre intellectuel·le·s queer 1880-1920

Du 04/05 au 05/05/2022

Inscription à la diffusion en direct

L’inscription pour suivre le colloque en ligne est obligatoire avant le 3 mai via ce formulaire
Un mail vous sera envoyé avant le colloque avec le lien. Le colloque se tiendra à la Salle de réception de la Maison des Sciences Humaines à l’Université libre de Bruxelles (Bâtiment R - 3ème niveau - Salle R.3.105), Avenue Antoine Depage 1, Bruxelles.

Si vous voulez assister en personne, il est obligatoire de s’inscrire par mail : michael.rosenfeld@ulb.be.

Le nombre de places dans la salle est très limité.

Programme :

Mercredi 4 mai 2022

12 :00 – Accueil et déjeuner
13:30 – Séance inaugurale

Président de séance : Michael Rosenfeld

  • Cécile Vanderpelen – Directrice de la Maison des Sciences humaines (ULB)
    Mots de bienvenu

  • Michael Rosenfeld – Université libre de Bruxelles Introduction

  • Melanie Hawthorne – Texas A&M University
    Keynote address : « Quand Psappha Charme les Sirènes »

15:15 – Pause-café
15:30 – Deuxième séance : Constitution de réseaux

Président de séance : David Paternotte, co-directeur de STRIGES

  • Alain Servantie – chercheur indépendant
    Amitiés et amants parisiens dans le Journal intime de Justh Zsigmond (janvier-mai 1888)

  • Clément Dessy – Université libre de Bruxelles
    Identités et réseaux homosexuels chez les lecteurs de Georges Eekhoud

  • Michael Rosenfeld – Université libre de Bruxelles
    «Je vous envoie à part la liste des collaborateurs. Si vous avez d’autres personnes en vue, dites le moi ». Présences et absences dans Akademos (1909)

17:45 Fin de la première journée


Jeudi 5 mai 2022

09:15 – Accueil
9:30 – Troisième séance : Représentations identitaires

Président de séance : Clive Thomson

  • Nicole G. Albert – chercheuse indépendante
    Colette et Missy : Lesbos-Sodome aller-retour

  • Nicolas Duriau – Université libre de Bruxelles - F.R.S.-FNRS
    Sociabilités homosexuelles et photographiques à l’ère de la reproductibilité technique : illustrations littéraires dans L’Élu (1902) d’Achille Essebac

  • Flavie Fouchard et Esperanza Hernández Torres – Université de Séville
    « Mi alma era cautiva » : la traduction des Vrilles de la Vigne par Hoyos y Vinent. Traduire pour se représenter et revendiquer une identité commune ?

11:15 – Pause-café

11:30 – Quatrième séance : Correspondances et amitiés littéraires

Président de séance : David Gullentops

  • Jean-Christophe Corrado – Université de Nantes André Gide et le « franc camarade ». Sur la relation entre André Gide et Henri Ghéon

  • Camille Islert – Université Lumière - Lyon 2 Une écriture en partage ? Sur quelques renvois textuels entre Renée Vivien et Natalie Barney

12:45 – Pause déjeuner

14 :00 – Cinquième séance : Figures réticulaires

Président de séance : Clément Dessy

  • Clive Thomson – University of Guelph Georges Hérelle et ses réseaux

  • Lowry Martin – The University of Texas at El Paso An American in Paris: Natalie Barney and Her Transnational Sapphic Sisterhood

  • David Gullentops – Vrije Universiteit Brussel Jean Cocteau. Poète, anarchiste, homosexuel à Paris. (Section criminelle de la police générale)

15:45 – Pause-café

16:00 – Sixième séance :Conférence invitée spéciale

Président de séance : Michael Rosenfeld

  • Jonathan David Katz et Johnny Willis – University of Pennsylvania Picturing the First Homosexuals: An Illustrated History of Queer Desire

16:45 – Conclusion – Michael Rosenfeld
17h – Clôture

Pour consulter le programme, cliquez ici

Avec le soutien :

Université libre de Bruxelles

Structure de recherche interdisciplinaire sur le genre, l’égalité et la sexualité (STRIGES)

Maison des Sciences Humaines

Faculté Philosophie et Sciences humaines

Faculté de Lettres, Traduction et Communication

Centre de recherche Études philologiques, littéraires et textuelles (Philixte)

Vrije Universiteit Brussel

Centre for Literary and Intermedial Crossings (CLIC)

Université catholique de Louvain

Centre de recherche sur l’imaginaire (CRI) à L’Institut des Civilisations, Arts et Lettres (INCAL)

University of Guelph (Canada)

College of Arts

Argumentaire

Le colloque se propose d’étudier comment les intellectuel·le·s queer dans un contexte européen s’entraident pour diffuser leurs publications dans lesquelles ils défendent leur droit à aimer librement. La perspective que nous souhaitons adopter est plus étendue que celle des travaux précédents qui se penchent sur les liens entre ami·e·s ou amant·e·s queer et qui ont examiné, par exemple, comment certains couples se sont rencontrés ou comment certains groupes se sont formés autour de tel·le ou tel·le intellectuel·le. Nous estimons qu’il ne faut pas considérer ces collaborations comme des interactions qui représentent simplement l’expression de sentiments sympathiques ou amicaux, ou encore seulement comme une solidarité autour d’amours réprimées par la morale de leur temps, mais bien comme les premières lueurs d’un combat commun pour légitimer ces sentiments. Nous proposons d’examiner le rôle de ces associations sous cette perspective et d’étudier comment ces intellectuel·le·s queer construisent et revendiquent des traits d’identité sexuelle communs dans leurs écrits. Nous estimons que ces nouvelles représentations expriment un désir de subvertir le discours dominant sur ces sentiments en les représentant d’une façon méliorative, que cela soit dans des œuvres littéraires ou dans des articles de presse et de revue, et qu’elles donnent lieu également à une coopération entre ces intellectuel·le·s.

Les collaborations auxquelles nous renvoyons prennent des formes différentes, quelques exemples : Jean Lorrain publie des comptes rendus favorables des recueils de nouvelles de Georges Eekhoud et présente ce dernier au directeur des éditions du Mercure de France ; Eekhoud signale les œuvres de Jean Lorrain aux lecteurs belges par des recensions élogieuses dans la presse et les revues belges ; Eekhoud soutient le romancier néerlandais Jacob Israël De Haan en défendant son roman à scandale Pijpelijntjes (1904) et en rédigeant une préface pour le roman Pathologieën (1908) de De Haan ; Renée Vivien publie avec Hélène de Zuylen, sa compagne entre 1902 et 1907, des romans et des poésies sous le pseudonyme collectif de Paule Riversdale, parmi lesquels Échos et reflets (1903), Vers l’amour (1903), L’Être double (1904) et Netsuké (1904). Se pose enfin la question de comprendre la mesure dans laquelle ces intellectuel·le·s collaborent les un·e·s avec les autres pour créer ces représentations, notamment au moyen de nouvelles formes narratives qui contiennent des références culturelles et historiques communes et permettent ainsi de renvoyer aux amours queer, sans devoir les nommer.

La solidarité exprimée lors des grands scandales, comme la condamnation d’Oscar Wilde en mai 1895, le procès Eekhoud en octobre 1900, ou l’arrestation de Jacques d’Adelswärd-Fersen en 1903 pour « débauche », est symptomatique de cette mobilisation. La collaboration en 1909 d’un grand nombre de ces intellectuel·le·s queer à la revue Akademos de Jacques d’Adelswärd-Fersen, notamment Colette, Renée Vivien, Georges Eekhoud, Eugène Wilhelm, Olivier Diraison et Achille Essebac signifie, à notre avis, qu’une identité mobilisatrice est en train de se construire. L’une de nos réflexions est d’élucider la mesure dans laquelle ces collaborations indiquent la formation de réseaux transnationaux d’intellectuel·le·s queer à cette époque ou bien si elles ne sont que des associations limitées entre des intellectuel·le·s d’un pays ou même encore d’un cercle particulier.

Enjeux théoriques

Dans le premier volume de l’Histoire de la sexualité, Michel Foucault étudie l’émergence d’un nouveau discours scientifique sur les amours queer. Il constate que ces nouvelles nosologies engendrent en parallèle une résistance à l’hégémonie hétéronormative, qu’il désigne comme des discours « en retour », par lesquels l’« homosexualité s’est mise à parler d’elle-même ». Nous proposons d’étudier ces discours tels que produits par des intellectuel·le·s queer (écrivain·e·s, poètes, journalistes, essayistes et artistes), et plus particulièrement, d’analyser comment iels ont collaboré. Le discours scientifique européen sur les amours queer connaît une évolution importante au cours des années 1880. Inspirés des travaux allemands de Westphal (1869), les médecins français Jean-Martin Charcot et Valentin Magnan publient en 1882 leur article pionnier, « Inversion du sens génital et autres perversions sexuelles », dans les Archives de Neurologie. Viennent ensuite : la thèse du docteur Julien Chevalier De l’inversion de l’instinct sexuel au point de vue médico-légal (1885), et son ouvrage Une maladie de la personnalité : l’inversion sexuelle (1893) ; le livre populaire du docteur autrichien Richard von Krafft-Ebing Psychopatia sexualis (1885), traduit en français en 1895 ; les ouvrages de Marc-André Raffalovich, Uranisme et Unisexualité (1896), de Georges Saint-Paul, Tares et poisons. Perversion et perversité sexuelles (1896) et de Havelock Ellis, Studies in the Psychology of Sex – Sexual Inversion (1897).

Ces nouvelles perspectives scientifiques engendrent une représentation différente des amours queer dans la littérature et servent souvent de subterfuge pour évoquer le sujet. Citons deux exemples : Jean Lorrain décrit les bas-fonds parisiens sous une perspective moderniste dans son recueil Modernités (1885) et dévoile avec une nonchalance révélatrice sa connaissance des milieux queer. Il raille ainsi, dans le poème « Modernités », les prostituées qui se trouvent « Auprès de [leurs] amants en blouses, / Dont les copailles sont jalouses », et ajoute la note explicative suivante du mot « copailles » : « En argot, troisième sexe », expression qui renvoie aux théories médicales de l’époque. Il s’agit du même enjeu dans le poème « Décadence », où le poète chante Saphus, « poète de Lesbos » qui est « joli comme un éphèbe ». L’écrivain reprend ainsi un autre stéréotype issu du discours scientifique, celui de l’« inverti » efféminé. Pour évoquer l’amour entre femmes, Lorrain ne ressent pas la nécessité de faire appel aux stéréotypes car, quand le narrateur du poème « Dilettantisme » s’adresse à la femme qu’il admire, celle-ci déclare, sans aucune honte, « Monsieur, je n'aime pas les hommes ! ». Dans Escal-Vigor (1899), Georges Eekhoud utilise le terme « amour homogénique », emprunté à l’étude sociologique éponyme (1894) d’Edward Carpenter pour qualifier la liaison entre les protagonistes. Lors du scandale de la publication de son roman, le romancier se défend d’avoir mis en scène l’amour entre deux hommes et déclare lors d’une interview accordée au quotidien Le Peuple le 2 décembre 1900 qu’il s’est inspiré du livre du docteur Moll « sur la perversion de l’instinct génital ». Les intellectuel·le·s queer indiquent ainsi être au courant des discours répressifs et hétéronormatifs du monde scientifique et n’hésitent pas à s’en accaparer pour représenter leurs propres sentiments amoureux.

Le colloque sera l’occasion de soulever les questions suivantes : Comment les intellectuel·le·s queer font-iels connaissance, comment étendent-iels leurs cercles d’ami.es ou de collaboratrices/eurs ? Quels sont les documents qui permettent de retracer ces associations et ces réseaux (correspondances, journaux intimes, dédicaces, envois d’ouvrages, photos signées, etc.) ? Quelles sont les formes de collaborations que nous pouvons identifier (comptes rendus, introductions auprès d’éditeurs / traducteurs / critiques / directeurs de revues, aide à la rédaction, préfaces, financements, collaborations littéraires et création de narrations etc.,) ? Les collaborations mènent-elles à la formation d’un réseau transeuropéen d’intellectuel·le·s queer qui s’entraident, ou bien se limitent-elles à des petits groupes nationaux ? Finalement, pouvons-nous parler d’un combat commun, mené par ces intellectuel·le·s queer pour légitimer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ?

Bibliographie en format pdf

Mercredi 4 mai 2022, de 12h à 18h & Jeudi 5 mai 2022, de 9h15 à 17h

Salle de réception
Maison des Sciences Humaines
Bâtiment R - 3ème niveau - Salle R.3.105
Avenue Antoine Depage 1
1000 Bruxelles

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