Ateliers Genre(s) et Sexualité(s) "Euphémisation de l’égalité de genre : les "programmes de transferts conditionnés" en Amérique latine

Le 18/10/2021

par Nora Nagels, Université du Québec à Montréal, Professeure invitée MSH

En partenariat avec AmericaS

Depuis la fin des années 1990, tous les pays d’Amérique latine ont adopté un programme de transferts conditionnés (PTC). Ceux-ci conditionnent des subsides aux mères de foyers pauvres à la scolarisation et au suivi de la santé de leurs enfants. Ils visent, à court terme, à lutter contre la pauvreté en injectant des liquidités dans les familles pauvres et, à long terme, à rompre le cycle intergénérationnel de la pauvreté en investissant dans le capital humain des enfants. Les plus anciens de ces programmes – Progresa (1997) au Mexique et Bolsa Familia (2004) au Brésil – incluent dans leurs objectifs l’égalité de genre et l’empowerment des femmes pour lutter contre la pauvreté. Cependant, une fois standardisé par la Banque mondiale comme « meilleurs instruments de lutte contre la pauvreté », aucun autre PTC n’intègre dans son design un objectif d’égalité de genre. Au contraire, ces programmes renforcent les legs maternalistes et parfois néo-coloniaux des politiques sociales latino-américaines (Molyneux 2007; Nagels 2016). À partir d’une analyse institutionnaliste féministe (Mazur 2002, Staab 2017, Jenson 2020) et d’entretiens aux différentes étapes de la circulation des PTC, ma recherche montre comment les idées féministes liant l’égalité de genre et la pauvreté évoluent depuis le Mexique et le Brésil jusqu’au Pérou et la Bolivie en passant par la Banque mondiale. Les idées féministes sur le genre et la pauvreté ont d’abord été instrumentalisées dans une perspective libérale pour être intégrées dans les premiers PTC au Mexique et au Brésil. Ensuite, l’objectif d’égalité de genre a été évacué par la Banque Mondiale, qui, obsédée par les « preuves scientifiques d’impact » quantitatives, a délégitimé les connaissances féministes et de genre, surtout qualitatives. Enfin, sans objectif d’égalité de genre dans leur design, les PTC péruvien et bolivien ont renforcé les legs maternalistes et néocoloniaux de leurs politiques sociales.

Nora Nagels est professeure en Développement et Coopération internationale au Département de science politique de l'Université du Québec à Montréal depuis juillet 2014. Elle a obtenu son doctorat en études du développement à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève en 2013. Elle a effectué deux stages postdoctoraux à l'Université de Montréal. Le premier financé par le Fonds national Suisse de la recherche scientifique (SNSF), s’est déroulé à la Chaire de recherche du Canada en citoyenneté et gouvernance (2013). Le second a été effectué au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM). Ses recherches portent sur le genre, les politiques sociales, le développement, la citoyenneté en Amérique latine. Elle a publié en politique comparée, sur les politiques sociales, les programmes de transferts conditionnés, le développement et le genre dans des revues comme International Feminist Journal of Politics, Revue internationale de politique comparée, Lien social et Politiques, Recherches féministes ; Social Policy and Society, Social Policy and Administration, Social Politics : International Studies in Gender, State & Society.

Lundi 18 octobre 2021, de 17h à 19h

Salle Henri Janne
Bâtiment S - 15e niveau
Avenue Jeanne 44
1000 Bruxelles

Suite aux contraintes sanitaires, l’inscription est obligatoire : ags@ulb.be
En cas de changement, les modalités précises d’organisation seront transmises par courriel

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