Conférence "(Dé)Civilisation et nationalisme - Bon sens et contresens"
Le 27/06/2024
par Florence Delmotte, F.R.S.-FNRS/UCLouvain
Modérateur : Martin Deleixhe, CTP
Civilisation et décivilisation, nationalisme(s), au pluriel et au singulier : à quelles conditions ces termes nous permettent-ils d’appréhender le « maelström » dans lequel les sociétés européennes semblent prises ? Au printemps 2023, le président de la République française offrait à la « décivilisation » une seconde vie politique et une visibilité médiatique sans pareille. S’il était facile de discréditer voire d’ignorer l’usage outrancier de ce terme par l’extrême droite, la référence appuyée à la pensée de Norbert Elias – sociologue respectable et théoricien reconnu du « processus de civilisation » – semblait un argument de choix. Qui irait contester le sentiment d’une montée des violences allant à rebours de la pacification des rapports sociaux et de la domestication des pulsions ? Pour sommaire qu’elle soit et contestée qu’elle fût, l’analyse présidentielle n’en a pas moins persisté et signé, proposant de « reciviliser » la société française, et bientôt de « réarmer moralement la nation ». Cette analyse, qui peut sembler frappée du sceau d’un certain bon sens, ignore en réalité la dimension critique de la notion de civilisation telle que la concevait Elias, et qui précisément lui confère sa force heuristique et son actualité politique, au-delà du cas français. À le suivre, associer civilisation et nation relève bel et bien du contre-sens théorique. Pis, l’erreur de diagnostic participe elle-même de la décivilisation, en un sens.
Florence Delmotte s’intéresse depuis longtemps à la pertinence de la sociologie historique d’Elias pour penser l’intégration politique de l’Europe. Depuis 2020, elle travaille à la mise à l’épreuve de ses idées dans le cadre d’une enquête menée en France sur la transmission familiale du nationalisme aux jeunes enfants et qui entend prolonger les thèses développées par Michael Billig dans l’ouvrage Banal Nationalism (1995). La réflexion qu’elle propose sur la (dé)civilisation et le nationalisme en Europe s’appuie sur la complémentarité de ces deux auteurs, qui refusent d’opposer patriotisme et nationalisme mais les inscrivent au contraire dans une triple continuité, historique, sociologique et idéologique. Chercheuse qualifiée du Fonds de la recherche scientifique et professeure de science politique à l’UCLouvain (Saint-Louis Bruxelles), Florence Delmotte a notamment publié Norbert Elias : la civilisation et l’État (Éditions de l’Université de Bruxelles, 2007) et co-dirigé Norbert Elias in Troubled Times : Figurational Approaches to the Problems of the Twenty-First Century (Palgrave Macmillan 2021) et Law and Decivilization, Historical Social Research 49.2 (2024, Special Issue). Elle fait partie du projet ETPAF dirigé par Sophie Duchesne à Bordeaux (Enquête sur la transmission précoce des appartenances au sein de la famille (ETPAF).
Jeudi 27 juin 2024 de 18h à 20h
Auditoire Berheim
ULB - Campus du Solbosch
Bâtiment R - Niveau 5 - Salle R42.5.110
Avenue F. Roosevelt 42
1000 Bruxelles
Entré libre sur inscription : ici