Ateliers Genre(s) et Sexualité(s) "Enterrer les "enfants non-nés". Restes des IVG et pratiques militantes pro-life en Italie"

Le 03/05/2022

par Martina Avanza, Université de Lausanne, Professeure invitée MSH

La plupart des organisations anti IVG en Italie se présentent comme aconfessionnelles, leur intention étant d’étendre leur influence au-delà des milieux catholiques qui les structurent. S’il se doit, dans une perspective de sociologie compréhensive, de prendre au sérieux leur volonté de se doter d’un discours laïque de légitimation, le travail d’enquête ethnographique montre pourtant que les pratiques pro-vie sont largement façonnées par la socialisation catholique de ces militant·es. Cette empreinte apparait de manière particulièrement saillante dans les enterrements que ces militant·es organisent pour les restes des IVG qu’ils appellent « enfants non-nés ». Pour les militant·es pro-vie, enterrer les « enfants non-nés » est non seulement un acte que l’on doit à ces « enfants » pour reconnaître leur « humanité » (« ce ne sont pas des déchets ! » clament-ils), mais aussi un « geste charitable » envers les « mères » ayant avorté qui pourraient ainsi avoir un lieu où « pleurer leur enfant », ce qui serait censé les aider à surpasser le « traumatisme » nécessairement engendré, à leurs yeux, par une IVG. Ce discours dirigé non seulement vers l’embryon mais aussi vers les femmes ayant avorté, présentées non plus comme des meurtrières mais comme des victimes, est tout à fait typique des nouvelles tendances du militantisme pro-life en Italie comme ailleurs. Nous départant d’un point de vue compréhensif pour entrer dans une critique féministe, nous pourrions pourtant renverser ce point de vue. Le slogan du mouvement féministe des années 1970 ayant mené à la légalisation de l’IVG était « l’utérus est à moi », sous-entendu donc je fais ce que je veux avec. Enterrer les restes de l’IVG d’une femme, qui plus est à son insu, est une façon de lui dire que ce corps, malgré la loi de légalisation de 1978, ne lui appartient pas tout à fait.

Martina Avanza est maître d’enseignement et de recherche en sociologie politique à l’Université de Lausanne, à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) et chercheuse au Crapul (Centre de Recherche sur l’Action Politique de l’Université de Lausanne). Elle est aussi membre associée du CEG (Centre en Etudes Genre) de l’Université de Lausanne. Ses recherches portent sur le militantisme (partis, syndicats, mouvements), notamment au sein de groupes conservateurs et de droite. Elle étudie ces groupes dans une perspective de genre et avec des méthodes d’enquête ethnographiques. Ses recherches ont notamment porté sur le parti de la Ligue du Nord, en Italie. Elles portent actuellement sur le mouvement anti-avortement dans ce même pays. Elle a récemment publié “Using a Feminist Paradigm (Intersectionality) to Study Conservative Women. The Case of Pro-life Activists in Italy”, Politics and Gender (2019) et “Plea for an Emic Approach Towards ‘Ugly Movements’. Lessons from the Divisions within the Italian Pro-life Movement”, Politics and Governance (2018), qui a reçu le prix 2019 du meilleur article du Council for European Studies’ Gender and Sexuality Research Network.

En partenariat avec le CIERL

Mardi 3 mai, 17h-19h

Grande salle du CIERL
Avenue Roosevelt 17
1000 Bruxelles

Les séances se dérouleront selon les normes sanitaires en vigueur Suite aux contraintes sanitaires, l’inscription est obligatoire : ags@ulb.be

En cas de changement, les modalités précises d’organisation seront transmises par courriel

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